La réforme de l'assiette sociale
Décryptage de la réforme de l'assiette sociale des indépendants applicable dès 2025
3/2/20243 min read


Reconnaissons, avec lucidité, qu'il y a des titres d'articles plus accrocheurs.
Or, s'il est un pari hasardeux de vouloir passionner les foules en associant les termes de "réforme" et "d'assiette sociale", la matière peut néanmoins s'avérer plus intéressante qu'il n'y parait.
Car derrière ces mots se cache une des inéquités qui oppose le monde salarié à celui des indépendants et des professionnels libéraux. Ces derniers partent en effet avec un handicap structurel; ils ne peuvent partager le poids de leurs charges sociales avec un quelconque employeur. Pour ne pas les asphyxier totalement, leurs charges sociales sont donc proportionnellement plus basses que celles des salariés entrainant par ricochet une protection sociale moindre. Ce désavantage naturel pourrait être mieux vécu s'il n'était pas aggravé par un facteur technique plus discutable : la composition différenciée des prélèvements sociaux. Par rapport aux salariés, les indépendants paient plus de taxes (CSG et CRDS) que de cotisations sociales réellement créatrices de droits. La, ou plutôt les coupables? les bases de calcul alambiquées de nos prélèvements sociaux qui prévoient une assiette simplifiée pour les cotisations sociales et une assiette alourdie pour les contributions sociales (CSG et CRDS).
La réforme adopté le 26 décembre 2023 supprime donc cette iniquité au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2025. Elle met en place une assiette unifiée (art. L 131-6 et L136-3 du CSS) qui doit permettre de rééquilibrer la composition de nos prélèvements sociaux: moins de contributions, plus de cotisations et donc plus de droits sociaux.
Si le principe est forcément louable, de nombreuses interrogations demeurent dans la mise en place pratique de cette réforme. Après des tergiversations, l'assiette unifiée sera donc constituée du chiffre d’affaires, après déduction des frais professionnels (hors cotisations et contributions sociales), abattu d'un taux fixé à 26%.
Prenons l'exemple d'un médecin généraliste en secteur 1 qui génère en 2023 un chiffre d'affaires de 150000€ pour 40000€ de frais professionnel, 10000€ de CSG/CRDS (dont 7000€ déductibles) et 20000€ de cotisations sociales. Son revenu fiscal et l'assiette de ses cotisations sociales seront estimés à 83000€, là où l'assiette de ses contributions sociales sera de 103000€. Avec la réforme, si son revenu fiscal demeurera inchangée, l'assiette unifiée sera de 110000€ -26% soit 81400€. En l'espèce cela représenterait une réduction à la marge pour les cotisations sociales, contre une substantielle économie de 2095€ pour la CSG/CRDS [(103000-81400)*9,7%].
Sauf qu'avec cette mesure, il faudra compenser la perte de recettes pour l’assurance maladie évaluée à près d’un milliard d’euros, en augmentant notamment la cotisation maladie. On parle ici de passer la cotisation de 6,5% à 8,5%. Comme toute réforme, il y aura des perdants. Ce sera notamment le cas des professionnels libéraux à très hauts revenus qui seront impactés par le plafonnement de l'abattement de 26% au niveau du PASS. Par exemple, un libéral qui aurait un revenu avant abattement de 250000€ verra cet abattement limité à 46368€ (PASS 2024) au lieu de 65000€… A ce niveau de revenu, l'ancien calcul redevient plus intéressant.
Quoiqu'il en soit, comme toute réforme, la transition appellera un temps d'adaptation et de vigilance, sachant qu'il reste encore des zones d'ombres importantes, notamment sur les taux de cotisations. C'est pourquoi, il est difficile, sans spéculer, de vraiment estimer l'impact de cette réforme sur le portefeuille des libéraux. Une mesure de sagesse s'impose néanmoins pour 2024 : bien estimer les cotisations de l'année, quitte à faire des modulations. Il serait en effet dommage que vous ayez une forte régularisation de cotisations en 2025 à un moment où elles ne seront plus déductibles socialement…
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